La flexibilité étant l’un des avantages les plus populaires sur le marché du travail, beaucoup d’entreprises proposent désormais des lieux de travail, des horaires et des congés flexibles. Cela dit, malgré les avantages indéniables du télétravail et du travail en mode hybride, la technologie qui les rend possibles vient avec un inconvénient de taille : le technostress, aussi appelé « stress technologique ».
À titre de médecin et de directrice médicale associée chez Dialogue, j’ai été témoin des conséquences néfastes de l’utilisation de plus en plus importante de la technologie sur notre bien-être mental. Le stress et les répercussions psychologiques augmentent, tant dans notre vie privée que professionnelle. Et c’est très préoccupant.
Écoutez l'interview complète du Dre Stephanie Moynihan sur le technostress avec CityNews Toronto. (En anglais seulement)
Qu’est-ce que le technostress?
Essentiellement, le technostress est le stress qu’entraîne une utilisation excessive de la technologie, particulièrement des plateformes d’information et des outils de communication modernes (courriels, textos, appels vidéo).
Ces technologies qui font partie intégrante de notre quotidien ont beau être très bénéfiques, elles contribuent au technostress si on les utilise trop souvent ou si elles deviennent intrusives, c’est-à-dire si on a le sentiment d’être toujours joignable.
En plus de causer beaucoup de pression dans la vie privée, cela risque également de brouiller les frontières entre le travail et la vie privée, car on a plus de mal à « déconnecter ». La nécessité de s’adapter rapidement aux nouvelles technologies numériques, qui évoluent à un rythme effréné, crée également un stress.
Les gens passent plus de temps que jamais à utiliser leur ordinateur portable, leur téléphone intelligent et leurs autres appareils. Et l’augmentation du technostress entraîne ce qui suit chez les employeurs et le personnel :
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Des taux plus élevés de problèmes de santé mentale : 1 personne sur 3 vit actuellement de l’épuisement professionnel.
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Une baisse de productivité : au Canada, la productivité a chuté de 9 % entre 2000 et 2022.
L’incidence de la technologie sur l’équilibre travail-vie privée
La technologie pousse les gens à travailler plus fort et plus rapidement, même dans les périodes où ils ne sont théoriquement pas au travail. En effet, plus les frontières continuent de s’estomper entre vie privée et professionnelle, plus on a l’impression de devoir être joignable en tout temps. Même que 35 % des gens ont l’impression que l’on s’attend à ce qu’ils travaillent même lors de leurs journées de congé. La situation devient d’autant plus préoccupante quand on sait que 25 % des gens se font demander par leur gestionnaire de travailler pendant leurs vacances, et qu’un autre quart reçoit constamment des messages de nature professionnelle pendant cette période.
Les gestionnaires se réjouissent peut-être de la disponibilité accrue des membres de leur personnel, mais ils doivent aussi tenir compte des potentiels effets négatifs, qui risquent de se faire sentir longtemps. Le stress et la fatigue causés par la technologie peuvent entraîner :
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de l’insomnie;
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des symptômes de dépression;
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un sentiment d’indifférence;
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de l’irritabilité;
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une surcharge d’information;
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de l’insécurité et de l’insatisfaction par rapport à son emploi;
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la consommation d’alcool et de substances;
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des symptômes physiques (fatigue oculaire, maux de dos, maux de tête).
Ces symptômes nuisent à la concentration, ce qui entraîne une baisse de la productivité ou favorise le présentéisme. Tôt ou tard, cela peut mener à de l’absentéisme, c’est-à-dire que la personne devra prendre congé.
Comment lutter contre les effets du technostress?
L’omniprésence accablante de la technologie constitue un problème. Une fois que nous le reconnaissons, nous pouvons commencer à essayer de résoudre ce problème. Pour ce faire, nous devons trouver des moyens de tirer le meilleur parti de nos pauses loin de la technologie et d’établir des limites claires. Pour bon nombre de personnes qui font du télétravail, ces conseils simples suffisent à faciliter la transition psychologique entre le travail et la vie privée :
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Utilisez des appareils différents pour le travail et vos activités personnelles.
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Enfilez une tenue professionnelle pour votre journée de travail et changez de vêtements lorsque vous avez terminé.
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Faites quelque chose pour marquer la fin de votre journée de travail (une courte promenade, par exemple).
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Gardez hors de votre vue les objets liés au travail, comme votre ordinateur et vos dossiers.
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Clarifiez votre horaire prévu avec votre employeur et établissez vos limites (en activant un message d’absence dans Slack ou votre boîte de courriels en dehors de vos heures de travail, par exemple).
D’autres stratégies peuvent permettre à tout le monde de limiter l’utilisation de la technologie pendant la journée :
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Faites des mini-pauses au fil de la journée.
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Utilisez du papier et un stylo pour prendre vos notes.
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Laissez votre téléphone dans une autre pièce pendant vos réunions (même s’il est éteint, il risque tout de même de vous distraire s’il est près de vous!).
Du côté des employeurs, le passage au télétravail et au travail en mode hybride nécessite l’établissement de lignes directrices claires par rapport aux nouvelles attentes. Par exemple, la direction peut insister sur le fait que les membres du personnel n’ont pas besoin de lire leurs courriels ni d’y répondre en dehors des heures de travail.
Pour augmenter le bien-être des équipes, les gestionnaires peuvent avoir recours à d’autres stratégies simples, mais efficaces.
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Terminer les réunions quelques minutes plus tôt que prévu permet aux membres de l’équipe de faire une pause bienvenue.
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Éviter les réunions consécutives leur donne le temps de reprendre leur souffle.
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Favoriser les interactions en personne sans distractions numériques permet de cultiver un environnement plus stimulant et productif.
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Programmer des courriels et des messages rédigés à l’avance permet de s’assurer qu’ils sont envoyés pendant les heures de travail.
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Veiller à ce que les membres du personnel reçoivent une formation adéquate relative à la technologie à utiliser pour leurs tâches, et employer des stratégies de gestion du changement pour éviter la surcharge d’information.
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Encourager son équipe à parler ouvertement du technostress et à se prévaloir des avantages sociaux en matière de santé et de bien-être, dès que le besoin s’en fait sentir.
Offrir le bon soutien
Pour véritablement démontrer l’importance qu’ils accordent au bien-être et de la santé mentale au travail, les employeurs peuvent encourager avec enthousiasme l’adoption de saines habitudes au sein de leur équipe. D’abord, proposer des programmes et des ressources éducatives axés sur le bien-être s’avère indispensable pour contrer les effets du technostress. Ensuite, inciter les membres de l’équipe à bouger quotidiennement, à méditer, à manger sainement et à s’accorder des moments de qualité avec leurs proches peut considérablement amplifier l’efficacité des efforts de gestion du stress.
Des études montrent que le simple fait de consacrer 150 minutes par semaine à l’activité physique peut réduire de manière significative la vulnérabilité au stress et à la dépression. Par conséquent, lorsqu’ils envisagent des programmes de bien-être, les employeurs devraient offrir des options accessibles qui stimulent un engagement substantiel.
Les programmes de bien-être évoluent progressivement vers une approche plus proactive, mettant l’accent sur la prévention plutôt que sur le traitement des problèmes existants. Ainsi, le bon programme peut aider les membres du personnel à gérer le technostress avant qu’il devienne insurmontable.
Dans un contexte plus général, l’adoption d’une approche proactive est la clé de voûte pour obtenir les effets les plus substantiels et les plus durables. Les employeurs peuvent cultiver une culture d’entreprise dynamique et positive pour la santé en :
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mettant en place des défis de mise en forme;
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favorisant l’adoption de saines habitudes;
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prêchant par l’exemple.
En permettant aux membres de l’équipe d’évaluer leur état de bien-être général à l’aide d’enquêtes sur le stress ou de systèmes de notation, on peut les motiver à placer leur santé au premier plan. Qui plus est, les gestionnaires disposent ainsi de précieux renseignements sur les sentiments de leur équipe. Grâce à la mise en œuvre de tels programmes, les organisations incitent les membres du personnel à faire attention aux problèmes de santé mentale, comme le technostress, tout en leur donnant les moyens de les reconnaître et de les surmonter.